Lettre ouverte de Siham Lachgar.

Lettre ouverte de Siham Lachgar.
Crédit photo : Femmes du Maroc.

Depuis l'emprisonnement de sa soeur à Rabat, Siham Lachgar est sur tous les fronts. Entre Rabat et la France, elle a déjà livré plusieurs témoignages pour défendre sa soeur, emprisonnée depuis le 10 Août 2025 à Rabat, Maroc.

Sa lettre ouverte est un cri du coeur supplémentaire, celui d'une soeur de sang et soeur de luttes. Fidèle à nos convictions et dans une volonté de propager au maximum son message, nous vous la partageons alors qu'une nouvelle audience est prévue le 06 Octobre 2025 concernant son appel pour contester sa condamnation de trente mois de prison ferme suite à la publication d'un tweet jugé blasphématoire.

Emprisonnée dans de mauvaises conditions, Betty n'a presque plus aucun contact avec sa famille et se trouve toujours en isolement, sans même un matelas, tandis que ses codétenues sont libres de passer des appels sans restriction autre que celle de ne fournir que cinq numéros de téléphone.

Nous dénonçons les pratiques marocaines visant à intimider et faire souffrir notre soeur. Aucune femme ne devrait aller en prison pour avoir défendu ses droits face aux dogmes religieux.

Ci-dessous, la lettre de Siham, qui nous a donné son accord pour la diffuser sur notre site.

Sorores,

Le Collectif Asherah.


Siham Lachgar, soeur de Betty Lachgar. Crédit Photo : The Independant.

Cela fait maintenant 46 jours que ma soeur Ibtissame Betty Lachgar est détenue au Maroc dans des conditions cruelles, dégradantes et assimilables à de la torture psychologique et portant atteinte à son intégrité. Son crime? Avoir porté un T-shirt - hors du Maroc - détournant le slogan bien connu des féministes progressistes du monde entier : “J’ai rencontré Dieu, elle est noire, communiste et lesbienne”.
Pour avoir porté ce t-shirt, Ibtissame Betty Lachgar est aujourd’hui incarcérée et placée en isolement. Aucun être humain ne devrait être traité de cette manière.
Ma soeur Ibtissame Betty Lachgar est une survivante d’un sarcome d’Ewing, un cancer des os diagnostiqué à ses 20 ans. Elle vit depuis avec un handicap et porte une prothèse au bras gauche. Elle bénéficie en France du statut ALD, affection longue durée.


Les derniers rapports médicaux sont alarmants et pointent une ostéolyse majeure de l’humérus distal sans possibilité raisonnable de préservation. Tout cela entraîne notamment des douleurs nocturnes prédominantes et elle est dépendante pour de nombreux gestes de la vie courante. Ma soeur a besoin d’une opération pour le changement de sa prothèse au plus vite. En l’absence de cette chirurgie, les conséquences seront la poursuite de l’ostéolyse, la mobilisation de la tige en dehors de l’humérus et infections. Qu’est-ce que cela signifie ? Sans intervention appropriée, Ibtissame Betty Lachgar risque de perdre son bras .


Ses conditions de détention rendent cette situation encore plus inquiétante. En effet, elle subit un régime d’incarcération particulièrement éprouvant qui fragilise davantage son état : elle n'a toujours pas de matelas pour dormir, elle doit faire ses promenades seule et n’a droit qu'à deux appels téléphoniques par semaine, d'une durée maximale de dix minutes chacun, et uniquement vers un seul numéro. Il s'agit là d'un isolement délibéré, qui la coupe de nous, sa famille, et de ses soutiens. En revanche, les autres détenues ont visiblement accès au téléphone tous les jours, peuvent appeler jusqu'à cinq numéros.


Une telle privation de contacts et de stimulation sociale entraîne inévitablement des conséquences psychologiques lourdes. Au-delà de l’opération et du suivi médical spécialisé indispensable à sa pathologie, elle a besoin d’un accompagnement psychologique adapté, comme recommandé pour les personnes atteintes de maladies chroniques et invalidantes. Lui refuser ces soins met en péril non seulement sa santé physique mais aussi mentale.


Pourquoi ma soeur Ibtissame Betty Lachgar est-elle soumise à un traitement plus sévère que les autres ? La seule explication est qu'il s'agit d'une punition, non pas pour ce qu'elle a fait, mais pour ce qu'elle est et ce qu'elle représente.
Ces restrictions ne sont pas motivées par des raisons de sécurité. Il s'agit d'une tentative délibérée de briser son moral, de réduire au silence une militante féministe engagée qui a passé sa vie à défendre les droits humains et les libertés individuelles. Elle n’a jamais incité à la haine et son combat a toujours été pacifique !


Pourtant ils recourent à la pression psychologique pour la faire taire, elle ainsi que ses proches : isolement, privation de sommeil, coupure de contact régulier avec sa famille... En faisant cela, on punit ma soeur deux fois : la première à travers une condamnation injuste et arbitraire, et la seconde par des conditions de détention abusives et inhumaines.


Je suis très inquiète et très en colère. La santé et la dignité de ma soeur sont mises à mal chaque jour. J'exige que les autorités mettent fin à son isolement, lui fournissent un matelas et un traitement humain, et lui rendent son droit de communiquer librement avec sa famille ainsi qu’avec ses amies.
J'appelle les organisations de défense des droits humains, les mouvements féministes et toutes personnes sensibles aux libertés individuelles et à la liberté d’expression à se mobiliser pour soutenir ma soeur Ibtissame Betty Lachgar et condamner la décision arbitraire de l’emprisonner autant que ses conditions de détention inhumaines.


Son combat n'est pas seulement le sien, il est celui de toutes les femmes réduites au silence, punies ou criminalisées pour avoir revendiqué leur liberté et leurs opinions.
Nous ne resterons pas silencieuses pendant qu'elle est torturée en prison et nous continuerons à nous battre pour elle jusqu'à ce qu'elle soit libre !
Sa place n’est pas en prison et vous le savez !
Sa soeur de sang et de luttes,


Siham Lachgar.